Pour sa troisième pièce intitulée Diverti Menti, Maud Blandel invite la danseuse Maya Masse à développer une approche de la composition à partir de la série des Divertimenti de Mozart. De cette recherche naît une réorchestration du Divertimento K.136 pour un quatuor inédit : trois solistes de l’Ensemble Contrechamps de Genève et un corps dansant. Que révèle une telle transposition du divertissement ? Qu’est-ce que cette nouvelle organisation dévoile de la fonction divertissante ?
En faisant apparaître ce qu’un tel genre musical contient en terme d’expressivité, Diverti Menti oeuvre à la création d’une polyphonie : un corps musical, affranchi des nécessités narratives, dont les quatre voix tendront à une activité commune : se jouer des vitesses, déjouer le temps.
" L’un des enjeux de la création de Diverti Menti*, créé en janvier dernier, consistait à interroger la fonction caractéristique du divertissement - faire passer le temps - à travers le point de vue musical, plus précisément à travers l’usage du Divertimento mozartien.
Le point de départ était donc clair: travaillant originellement sur une pièce musicale composée pour un quatuor à cordes, nous travaillerions à notre propre réorchestration du Divertissement K.136 en invitant sur scène trois musiciens et le corps dansant comme quatrième instrument. C’est donc à partir d’une traduction - dans notre cas essentiellement rythmique - de la partition que la recherche chorégraphique et plastique ont été générées. Très vite est apparue une dimension passionnante: celle de l’expressivité de notre matériau.
Comment rendre compte, par le corps, des caractéristiques d’une ligne d’alto ? de premier violon ? Et comment faire varier l’expressivité contenue dans chacune de ces lignes ? Multiplier ou diviser le tempo de notre partition par 2, décélérer progressivement toute une séquence jusqu’au seuil de l’immobilité… Ces jeux de vitesses, de dilatation et de contraction du temps, de désynchronisation, de cohabitation et de superposition de tempi sont devenus la base même des principes de composition.
C’est étrange de constater que le rythme contient sa propre expressivité. Notre travail avec Maya Masse a été d’écouter, d’observer attentivement ce que ces cellules rythmiques nous murmuraient dans le creux de l’oreille. Ainsi, on assistait à leur singularisation : le rythme devenait visage, personnage. D’une certaine manière, Diverti Menti est construit comme une lente métamorphose de ces personnages rythmiques, sans pour autant qu’il n’y ait de narration.
On ne se lasse pas de regarder l’eau vive ou la flamme animée, parce qu’on y voit apparaître des figures. C’est précisément ces phénomènes d’émergence qui peuplent l’écriture de chacune des pièces. "
* Diverti Menti a été créé le 18 janvier 2020 à l’Arsenic de Lausanne en collaboration avec la danseuse Maya Masse et l’Ensemble Contrechamps.
Maud Blandel
Journal de l'adc, numéro 78